Interview de Ling Shien Bell : Le Taqsim !

Le Taxeem est en “ATS-FCBD®Style” un huit du bassin de bas en haut;  le Taqsim en “Jamila Salimpour Format” est un huit du bassin d’arrière en avant,…

Mais quelle est l’origine et la signification de ce mot? Et pourquoi y a-t-il plusieurs façons de l’écrire? …

 

Interview de Ling Shien Bell

 

La différence entre Taqsim et Taxeem vient de sa retranscription phonétique; en français cela donne Taqsim mais en anglais cela ressemble plus à Taxeem.

On retrouve la même confusion pour plusieurs sons; notamment pour le son “ou” de Maksoum (en français) et Maksum (en anglais).


(Taqsim, écrit en arabe avec la lettre “qaf”)

 

1 Qu’est ce qu’un Taqsim?

 

Le Taqsim est un terme de musicien qui signifie “improvisation”; il peut prendre différentes formes :

 

  1. Soit un des musiciens commence un morceau par un Taqsim; pour introduire le Maqam°; le Taqsim est alors une introduction mélodique sans rythme.

 

  1. Soit le Taqsim est un morceau à part entière, accompagné par un rythme. Des rythmes de percussions qui se prêtent très bien à l’accompagnement d’un Taqsim sont : le bambi, le chiftetelli et le wahdah tawilah.

 

  1. Soit il est joué à l’intérieur d’un morceau, pour sortir de la mélodie principale, et y revenir ensuite. Il peut même y avoir plusieurs Taqsim d’affilée comme lors d’un Doulab°.

 

2 Qu’est-ce qu’un Doulab?

 

Un doulab est une improvisation où vont se succéder plusieurs Taqsim.

D’abord, les instruments, tous ensemble, vont jouer la courte mélodie du doulab, qui établira le Maqam°; ensuite un instrument joue “son Taqsim” et les autres le soutiennent et mettent en valeur la tonique du maqam, puis ils reprennent la mélodie tous ensemble et peuvent enchaîner avec un autre Taqsim, joué par un autre instrument, et ainsi de suite jusqu’à la reprise finale de la mélodie, qui servira de clôture.

 

Les Taqsim vont suivre des rythmes variés, comme un chiftetelli, un maqsoum ou des rythmes en 9/8, 7/8, et 10/8; par exemple le Curcuma (à prononcer Djuddjuna) qui est un rythme joué par les Arméniens ainsi qu’en Irak. Vous l’entendez dans notre morceau: Raqset Bint al ‘Arab” (la danse de la fille de l’arabe => ici, le terme “arabe” désigne les bédouins).

123  12 12 123

S            S         (S= step)

 

3 Est-ce qu’un Taqsim est toujours lent?

 

Non, pas obligatoirement.

Par exemple, dans notre morceau “Beyoglu’nda Gezersin” le Taqsim du violon est rapide et accompagné par un Malfuf.

C’est le même principe d’improvisation spontanée que pour le Drum Solo mais basé sur la mélodie et non sur la percussion.

Ce n’est pas une question de vitesse.

 

 

4 Plus tôt dans cette interview, vous nous avez parlé de Maqam; qu’est-ce que c’est?

 

C’est l’équivalant du “mode” mélodique.

Le Maqam est formé par la juxtaposition de 2 petites gammes courtes, de 4 ou 5 notes. Ces courtes gammes, très anciennes, sont peu nombreuses, mais en les combinant différemment, on peut obtenir de grands nombres de maqam. Ils ont un parcours déterminé, avec différents “points pôles” et certaines tendances. Par exemple, dans notre morceau “Beyoglu’nda Gezersin”  on reconnait le Maqam Nacriz, à tendance descendante.

Ils sont associés à certaines heures de la journée, certaines émotions… Par exemple, le Maqam Saba, qu’on reconnait dans pas mal de mes compositions (Farasha, Maleh u Filfil, Sa’idi Roah…) est associé avec l’aube et suggère à la fois le recueillement religieux, la force, la bravoure et aide à la détente.

En musique occidentale nous utilisons principalement 2 modes : le majeur, de caractère plutôt joyeux et positif, et le mineur, plutôt nostalgique et envoûtant. La musique orientale possède une palette plus variée pour évoquer les divers états d’esprit. Les points pôles serviront aussi de points de départ pour partir vers un nouveau maqam (modulation). Cela arrive souvent dans le Taqsim, c’est comme si l’on faisait une promenade vers d’autres paysages, d’autres “états d’âme”, puis on revient au maqam de base.

 

5 Lorsque l’on danse sur un Taqsim, comment une danseuse peut-elle savoir qu’il va bientôt se terminer et qu’elle va devoir, avec les musiciens, enchaîner sur autre chose?

 

L’idée mélodique va se développer. Parfois avec des variations de cette idée, c’est comme si on écoutait une histoire, puis il y aura une conclusion de cette idée, (une cadence ou, en arabe “qafla”). Elle doit prévoir une nouvelle section de Taqsim (un nouveau chapitre de l’histoire), soit la fin du Taqsim. La cadence sera plus dramatique si elle marque la fin du Taqsim.

Les demi-cadences sont aux musiciens ce que les points-virgules sont aux écrivains; la cadence, elle, est le point final. En langage de musiciens, pour conclure la phrase et former la cadence, on s’éloigne de la tonique pour y revenir de manière appuyée afin de conclure. Cette conclusion est souvent appuyée par le percussionniste, qui lui aussi va créer un effet de tension/résolution.

 

Merci Ling pour ces explications musicales !

Elles me donnent envie de travailler plus souvent avec des musiciens “en Live” !